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L'espace extra-atmosphérique dans l'équation militaire des nations - Partie 1 : L'arsenalisation

rodolfozontini

Les questions liées à la crainte d'une arsenalisation de l'espace extra-atmosphérique ont pris une importance sans précédent dans le débat public au cours de la dernière décennie. La discussion qui en a découlé évoque notamment l’appréhension suscitée à l’échelle internationale par l’annonce du programme « Star Wars » au début des années 1980 par le président Reagan ou encore l’incertitude qui suivit le lancement de Spoutnik 1 en 1957. Dans cette synthèse, nous présenterons une vue succincte mais complète du cadre juridique international régissant l'arsenalisation et la militarisation de l'espace extra-atmosphérique.


Partie I : L'arsenalisation de l'espace extra-atmosphérique


L’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et son arsenalisation constituent une des questions fondamentales de la réglementation des activités spatiales aux sein des Nations unies depuis la fin des années 1950. La dépendance accrue à l’égard des services civils et militaires que nous offre le secteur ainsi que les nouvelles capacités offensives et technologiques rendent le débat d’autant plus pertinent aujourd’hui.

L’inquiétude engendrée par une nouvelle course à l’avantage stratégique fait craindre aux États et aux entreprises privées une arsenalisation qui pourrait aboutir à une attaque sur un de leurs satellites (I). Cette course pourrait également être à l’origine d’une préoccupation citoyenne face à la perspective d’attaques lancées depuis l'espace (II).


(I) Les États et les entreprises privées doivent-ils craindre une éventuelle attaque sur leurs satellites ?


Bien qu'il n'y ait pas eu d'attaque directe perpétrée par un État sur un satellite étranger, il s'agit à l’heure actuelle d'une des questions stratégiques les plus pertinentes, compte tenu du fait notamment de l'arsenal croissant de nouveaux moyens à disposition pour neutraliser des satellites (antisatellites à ascension directe, super-EMP, cyber-attaques, etc.).


De plus, les objets tels que les satellites et les fusées rentrent dans la catégorie de biens et technologies à double usage, ce qui signifie qu’ils peuvent être utilisé à la fois à des fins civiles et militaires. Le même satellite de géolocalisation utilisé par les applications GPS peut donc servir de soutien aux opérations armées au sol et les lanceurs utilisés pour placer des satellites en orbite ont les mêmes composants que les missiles balistiques internationaux. Cette double nature est problématique lorsque nous considérons l’éventualité d’un conflit.


En effet, si nous pouvons partir du principe que les attaques contre des satellites étrangers sont illégales, la détermination pratique des procédures et du cadre juridique à suivre est plus complexe du fait de la double nature de ces-derniers ainsi que de l'absence d’une loi clairement définie réglementant d’éventuels affrontements dans l'espace. Ainsi, si l'espace extra-atmosphérique devenait un champ de bataille en l'absence d'un jus in bello spécifique régissant ses conflits, la doctrine du « fall back » qui se rabat sur le droit international coutumier serait vraisemblablement appliquée. Selon ce dernier, la force ne pourrait être employée que contre des "objectifs militaires" définis à l'article 52 du protocole additionnel I des conventions de Genève.


Suivant cette définition limitant les objectifs militaires légitimes aux "objets qui, par leur nature, par leur emplacement, leur destination ou leur utilisation, apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation, offre en l’occurrence un avantage militaire précis", il est parait donc évident que la double nature des satellites pourrait poser de réels problèmes lors de la détermination de la légalité d'une attaque potentielle.

(II) Devrions-nous craindre d'éventuelles attaques lancées depuis l'espace ?


En d'autres termes, quel est l’état du cadre juridique régissant la mise en orbite d’armes dans l'espace extra-atmosphérique ?


- L'article IV du Traité sur l'espace extra-atmosphérique de 1967 reste à bien des égards la référence en la matière. Il stipule que : "Les États parties au Traité s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique". Nous pouvons en conclure que :

  • Les armes nucléaires ne sont pas autorisées dans l'espace extra-atmosphérique, qu'elles soient placées en orbite ou installées sur des corps célestes, y compris sur la lune, quelle que soit l'intention derrière une telle mise en orbite.

  • Les armes de destruction massive ne sont pas autorisées dans l'espace et sur les corps célestes au même titre que les armes nucléaires, tel que nous l'avons décrit ci-dessus.

  • Il n'existe aucune disposition explicite contre une mise en orbite pour tout autre type d'arme, c’est à dire les armes qui n'utilisent pas de technologie nucléaire militaire et les armes qui ne peuvent pas causer de destruction massive.

  • « L'aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d'armes de tous types et l'exécution de manœuvres militaires » sont interdits mais « l'utilisation de personnel militaire pour la recherche scientifique ou à toute autre fin pacifique » n'est pas interdite.

- Dans la mesure où l'article IV du traité de 1967 ne définit pas le terme "arme", une solution possible serait d'utiliser l'article 31 de la Convention de Vienne de 1969 ; la convention propose qu'en l'absence d'une définition claire, les termes du traité soient « interprétés de bonne foi suivant le sens ordinaire » et en tenant compte du contexte du traité à la lumière de son objet et de son but.


- L’intention constitut-elle un facteur ? : certains chercheurs ont soutenu que les armes nucléaires et les armes de destruction massive pouvaient être placées en orbite ou sur des célestes si l’intention d’un tel placement n’avait pas d’objectif militaire offensive. Un exemple pourrait être la mise en orbite d’armes nucléaires dans le but de défendre la Terre d’une possible collision avec un objet géocroiseur (tel qu'un astéroïde). Cette théorie a cependant été rejetée car les traités ne prennent pas en compte l’intention lors de la mise en orbite l’intention.

  • Toutefois, cela ne signifie pas que le Conseil de sécurité des Nations unies ne peut pas ordonner une frappe nucléaire contre un astéroïde. Ceci est soutenu par l'article 103 et le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En effet, l'article 103 prévoit essentiellement que les engagements pris dans le cadre de la Charte doivent prévaloir sur les autres accords internationaux et les dispositions du chapitre VII donnent l’autorisation au Conseil de sécurité de recourir à la force afin de maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.


Dans notre prochaine analyse, nous examinerons la différence entre l'arsenalisation de l'espace et sa militarisation, nous présenterons quelques unes des principales propositions visant à limiter l'arsenalisation et nous analyserons les principales questions relatives à l’emploi de la force dans l'espace.

Sources :


Crédits au Ministère de la Défense indien et à l'Armée de l'air des Etats-Unis pour les images

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