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L'espace extra-atmosphérique dans l'équation militaire des nations – Partie 2 : La militarisation

rodolfozontini


« Les satellites deviennent des proies, des cibles, alors même que les capacités antisatellites de certaines puissances se renforcent. » Florence Parly, ministre des Armées, 13 Septembre 2018.


Les questions liées à la crainte d'une arsenalisation de l'espace extra-atmosphérique ont pris une importance sans précédent dans le débat public au cours de la dernière décennie. La discussion qui en a découlé évoque notamment l’appréhension suscitée à l’échelle internationale par l’annonce du programme « Star Wars » au début des années 1980 par le président Reagan ou encore l’incertitude qui suivit le lancement de Spoutnik 1 en 1957. Dans cette synthèse, nous poursuivons le raisonnement amorcé dans la première partie en présentant une vue succincte mais complète du cadre juridique international régissant la militarisation de l'espace extra-atmosphérique et l’emploi de la force dans l’espace. Nous présentons également certaines des solutions proposées pour résoudre les problèmes liés à l’arsenalisation dans l’espace.

Partie 2 : La militarisation de l’espace extra-atmosphérique et l’emploi de la force dans l’espace


Si nous pouvons admettre que l’arsenalisation de l'espace est considérée comme une question controversée au sein de la communauté internationale, sa militarisation est au contraire une réalité depuis le début de l'ère spatiale. En effet, l’arsenalisation se distingue de la militarisation dans la mesure où elle concerne le placement d'armes offensives dans l'espace ou au sol dans le but de cibler des objets dans l'espace (comme avec des ASATs), tandis que la militarisation concerne l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique pour des objectifs militaires dans le cadre d’actions de soutien aux opérations au sol. Certains objectifs militaires sont en effet soutenus par des services de reconnaissance, de communication, de navigation et de collecte de renseignements fournis par des satellites. La présence de personnel militaire dans l'espace et sur des objets célestes constitue également un exemple de la militarisation de l’espace.


Cette même logique est présente dans l'article IV du traité sur l'espace extra-atmosphérique de 1967, qui stipule que les installations et les fortifications militaires y sont interdites, mais pas la présence de personnel militaire.


Dans cette optique, et considérant que la militarisation de l'espace et ses activités connexes ne sont donc pas illégales, quels sont certains des facteurs qui déterminent la réponse à une attaque contre un satellite utilisé dans le cadre de celles-ci ? En particulier, dans quelle mesure serait-il possible de recourir à la force pour répondre à une attaque dans l'espace extra-atmosphérique si les méthodes traditionnelles de négociation diplomatique échouaient ?


La question de l’emploi de la force dans l'espace extra-atmosphérique se pose notamment en raison des particularités de l'environnement qui le distinguent de celui de la Terre. En effet, bien qu'aucune disposition des traités sur l'espace n'interdise spécifiquement aux États de répondre à une attaque contre leur satellite en exerçant leur droit de légitime défense tel que prévu à l'article 51 de la Charte des Nations unies, il existe diverses autres réglementations en droit international qui peuvent limiter ce droit, ou du moins servir de cadre à de futurs accords à cet égard. Nous pouvons par exemple mentionner :


  • La Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles de 1976 (Convention ENMOD) qui dans son article 1 interdit "l'utilisation à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques de modification de l'environnement ayant des effets étendus, durables, ou graves, en tant que moyen de causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout autre Etat partie ».

  • Le Protocole additionnel I de la Convention de Genève de 1949, qui stipule dans son article 55 que les États partie veillerons « à protéger l'environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves ».

  • Convention sur la diversité biologique de 1992, qui reconnaît dans son article 3 la devoir des États de veiller à ce que « les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale ».

    • À cet égard, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) interprète également le principe général du « due regard » dans le droit international humanitaire en déclarant « Les méthodes et moyens de guerre doivent être employés en tenant dûment compte de la protection et de la préservation de l’environnement naturel ».

    • Conformément à ce principe, les États doivent généralement engager des « consultations internationales appropriées » s'ils estiment que leurs activités envisagées peuvent interférer de manière préjudiciable avec celles d'autres États. Il est intéressant de noter que c'est la seule disposition qui a été violée par la Chine dans son test ASAT de 2007, le Japon étant le seul pays à leur en avoir tenu rigueur.


La caractéristique commune de ces trois accords est qu'ils empêchent les États de lancer des attaques qui causeraient des dommages durables à l'environnement, en particulier si ce dernier se situait en dehors de leur juridiction territoriale.

La destruction d’un satellite en orbite correspond au cas de figure envisagé. La dispersion d'un grand nombre de débris en orbite serait en effet considérée comme une modification durable de l'environnement qui entraverait l'utilisation des orbites par d'autres États partie ou extérieur au conflit.


Enfin, le principe de proportionnalité présent dans le droit international coutumier serait également un facteur essentiel lorsqu'on envisage l’emploi de la force dans l'espace extra-atmosphérique en suivant cette même logique. En effet, quel type d'attaque justifierait une réaction pouvant avoir des conséquences indirectes et durables ? Le principe de proportionnalité pourrait également être applicable dans le cas de cyber-attaques du fait de l'importance de certains satellites pour le fonctionnement de services essentiels. Un État subissant une attaque cyber ne pourrait en effet pas invoquer une violation des autres dispositions précitées, étant donné que les dommages potentiels provoqués ne produiraient pas systématiquement une modification durable de l’environnement spatial.


Quelques solutions proposées à l'arsenalisation de l'espace :

- En 2008, la Chine et la Russie proposent un projet de traité sur la prévention du placement d'armes dans l'espace et de la menace ou de l'emploi de la force contre des objets spatiaux. Le projet a connu un succès limité puisqu’aucun État ne l'a signé ni accepté. Cet échec s’explique notamment par la volonté de ces États de créer un texte de droit contraignant qui demeure peu satisfaisant du fait qu’il laisse subsister l’ambigüité de la définition du terme "armes", échouant ainsi à résoudre les questions relatives aux armes antisatellites telles que les ASATs.

- L'Union européenne propose un projet de code de conduite international pour les activités spatiales en 2008, avec une révision ultérieure en 2014. Le code vise une approche juridique non contraignante de « soft law » et universaliste. Bien que ce projet ait connu un succès plus important que l'initiative sino-russe, il n'a pas encore été universellement accepté. En effet, même l'administration américaine refuse d'y adhérer en privilégiant l’élaboration d’un propre code de conduite.



Sources :

Crédit à Telespazio pour les images des satéllites Sicra 2 et Athena Fidus

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